Journées nationales
2024 / Lille

Journées nationales à Lille

Présentation
Inscription

Colloque O.S.E.R.
Colloque O.S.E.R. le 4 avril à Paris
En savoir plus

Colloque O.S.E.R.
ASSOCIATION NATIONALE DES MAISONS D'ENFANTS A CARACTERE SOCIAL
Accueil » Journées régionales » Lorraine - 2013

Notes synthétiques sur l'idée de sanction éducative

Notes synthétiques sur l’idée de sanction éducative

Eirick Prairat,
Université de lorraine

Les visées de la sanction éducative
Faisons d'emblée nôtre l'orientation de Marcel Conche (Le fondement de la morale, 1993, 88) : « l'action de punir, comme toute action, ne se justifie que s'il en résulte quelque chose de bon. Si l'enfant doit être puni, c'est seulement dans la mesure où l'action de punir peut être intégrée à l'oeuvre d'éducation ». Mais comment précisément intégrer la sanction à l'oeuvre d'éducation ? Comment faire pour qu'elle ne soit pas une parenthèse mais un moment du procès éducatif ? Quelles fins convient-il de lui assigner ? Nous soutenons l'idée qu'une sanction doit poursuivre une triple fin : politique, éthique sociale.

Une fin politique
La sanction vise à rappeler la primauté de la loi et non la prééminence des adultes. Plus généralement, elle manifeste l'importance de l'existence d'un ordre symbolique structurant: le droit ou plus simplement un ensemble de règles explicitées. Une sanction qui entend faire oeuvre d'éducation, ne peut donc être utilisée comme une stratégie de réactivation du pouvoir du maître ou de l'adulte. Rappeler la loi, c'est aussi en appeler à sa valeur d'instance, c'est-à-dire à sa capacité à lier un "je" à un "tu" pour faire advenir un "nous". Il n'y a pas de "vivre-avec" (autrui) qui ne soit articulé à un "vivre-devant" (la loi). Le vivre-ensemble ne peut être pensé comme ferme et permanant que sur fond d'une instance trans-subjective. Et ce trans-subjectif : c'est la loi. Mais qu'est-ce qu'un rappel à la loi si la loi est inique ? Qu'est-ce qu'un rappel à la loi si celle-ci n'est qu'une petite règle tatillonne ? Le sens et la lisibilité de la loi et plus fondamentalement la mise en place d'un véritable cadre socialisant est une exigence essentielle car la sanction ne prend sens et efficience que comme élément d'un dispositif plus global où se nouent paroles, lois et responsabilités.

Une fin éthique
Embarqués dans leur quête d'identité et de reconnaissance, l'enfant et l'adolescent se plaisent à bousculer les règles, à tester le cadre qui les contient. Ils s'éprouvent en éprouvant la fiabilité de leur environnement social. Rien de pire que le silence en cas de transgression caractérisée de la loi. « Il importe de toujours rétablir les limites, de reformuler à chaque fois les interdits structurants (...). Ne faisons pas silence sur ce qui s'est passé. A chaque fois, on a à signifier que l'acte a été entendu, son responsable reconnu... » (Cifali, 1994,110). Le mal est peut-être moins la transgression en elle-même que l'ignorance de la transgression. La sanction est un moyen de promouvoir un sujet responsable en lui imputant les conséquences de ses actes. C'est en pariant sur la liberté d'autrui qu'on l'actualise. La sanction possibilise en l'enfant l'émergence de sa responsabilité subjective. Il ne s'agit donc pas d'attendre que l'élève (ou l'enfant) soit responsable mais de le sanctionner de telle manière qu'advienne en lui un sujet responsable. Il n'y a pas à "attendre-que" mais à "agir-pour-que". Et cet "agir-pour-que" s'adresse toujours à un sujet singulier inscrit dans une situation singulière.

Une fin sociale
La sanction est un coup d'arrêt. Sans celui-ci, l'enfant peut être amené à persévérer, à aller plus loin, à faire plus mal, à se faire plus mal. L'éducateur doit soutenir des "non", savoir faire face même si ces prétentions narcissiques doivent en souffrir. La peur de ne plus être aimé taraude souvent l'éducateur qui s'oppose ou se risque à poser un refus. Coup d'arrêt dans une trajectoire déviante pour réorienter un comportement et remettre l’adolescent, selon une belle formule d'Emmanuel Lévinas (1985, 58), " dans la droiture de l'en-face-de-lui ". La sanction éducative, par-delà son effet césure, tend à réinscrire le coupable dans le jeu social de la réciprocité. Visée politique, visée éthique, visée sociale ... et si l'action éducative, elle-même, résidait dans la conciliation toujours incertaine de ces trois soucis : souci d'une transcendance (que celle-ci soit la loi, les savoirs ou l'univers de la culture), souci d'un sujet en devenir et souci d'un lien social immédiat et toujours fragile. Ironie de l'histoire, la sanction loin d'être l'Autre de l'acte éducatif en est peut être l'analogon dans la mesure où elle en résume les enjeux et en cristallise les tensions.

Les principes structurants
La question des fins clarifiée, il est possible d'énoncer les grands principes qui dessinent la figure d'une sanction éducative. Bien sûr, le contenu et les modalités d’application de ces principes varient selon l’âge, ils n’en demeurent pas moins des invariants en tant que principes structurants.

Un principe de signification
Sanction orientée vers un individu ; mieux, sanction qui s'adresse à un sujet. Cela renvoie à deux exigences : une exigence négative et une exigence positive. L'exigence négative consiste à renoncer aux mises en scène spectaculaires, à toutes les formes punitives exemplaires et édifiantes. Cela ne signifie pas que l’on doit se priver des formes qui travaillent le symbolique. La solennité a toute sa place lorsque les circonstances l'exigent. D’où la seconde exigence, dialectiquement liée à la première ; la sanction appelle la parole car elle n’a de sens que dans la perspective d’une réinscription du sujet dans l’ordre du symbolique. Revenir sur la transgression et ses conséquences, demander, écouter mais aussi expliquer ce qui est inacceptable. Sanctionner sans s'assurer que la sanction soit comprise ou puisse être, tôt ou tard, comprise est tout simplement sévir (saevus signifie cruel). Le "faire-comprendre" est un principe régulateur de l'action éducative (Reboul, 1990). Pas de sanction appliquée qui ne soit expliquée. Pourquoi privilégier la parole ? Pourquoi ne pas plaider pour la sanction automatique ou la peine mimétique qui sont, elles aussi, des manières d'articuler la sanction à la transgression par un lien temporel ou formel ? Parce que la parole a un statut particulier, elle lie et délie en même temps. Au plan du sens, elle relie la sanction à la transgression, elle fait un pont signifiant entre les deux actes ; au plan pratique, elle met la sanction à distance de la transgression et l’empêche ainsi d'être une simple vengeance. C’est précisément parce que la vengeance est l’acte silencieux par excellence que la sanction s’annonce et se parle.

Un principe d’objectivation
La faute n'est pas manque mais manquement à une objectivité établie. Elle n'est pas un "en soi", un défaut à chercher dans l'intériorité d'un sujet mais un acte défectueux. La faute inscrite dans l'espace socialisé des droits et des interdits devient une transgression. On sanctionne des faire-contre, des passages à l’acte, des actes attentatoires à l'ordre commun. On ne punit pas l'intégrité d'une personne mais un acte particulier qui a été commis dans une situation particulière. On ne sanctionne pas un voleur mais un vol, on ne punit pas un tricheur mais une tricherie. La sanction n'est donc pas incompatible avec la dignité éducative puisqu'elle ne sanctionne que l'indignité d'un comportement. S'en tenir aux actes répréhensibles est non seulement un principe d'objectivation (comment d’ailleurs sanctionner des intentions qui ne se sont pas objectivées ?) mais aussi un principe de préservation qui demande, au plan pratique, ce que Haim Ginott (1971) a appelé dans ces travaux une "communication congruente". Dans la relation dialogique congruente, l'adulte centre son intervention sur la situation et se refuse à tout discours sur le caractère ou la personnalité de l'enfant. L'éducateur congruent ferme ainsi la porte aux procès d'intention, aux effets d'étiquetage et à toutes les formes de stigmatisation qui bien souvent condamnent le fautif à la réitération en l'enfermant dans une nature.

Un principe de privation
La sanction éducative prend une forme privative, elle peut déjà être privation de l'exercice d'un droit, au sens juridique du terme. Proposition qui n'a de sens que si l'espace éducatif décline de manière lisible les droits et les obligations de chacun. S'il est bon que les règles de vie fixent avec clarté les obligations et les interdictions, il n'est pas bon en revanche qu'elles se résument à une liste d'interdits car le travail de socialisation doit s'inscrire dans un espace marqué par le pôle des interdits et celui des droits et des possibles. Privation d'usage, interdiction d'activité, mise à l'écart temporaire... Il s'agit, plus largement, de priver le contrevenant des avantages de la communauté. La sanction compromet les droits, les occasions, les avantages, les opportunités, bref elle restreint les possibles ; en d’autres mots elle diminue momentanément la capacité d’agir. Son ressort n’est pas l’humiliation mais la frustration. Mais ce troisième principe n'est pas suffisant car la sanction ne doit pas être un mal de passion, une pure passivité, elle doit comporter une part d'activité pour s’inscrire dans une dynamique de reconstruction du lien social.

Un principe de socialisation
La sanction doit s’accompagner d’un geste du coupable à l’attention de la victime ou du groupe. Ce doit être un geste d’apaisement, de bonne volonté qui manifeste le souci de rester solidaire ; généralement, le coupable n’y pense pas, il faut l’inciter, lui faire comprendre ou sentir que ce geste est aussi un signe. Il peut prendre différentes formes : une petite déclaration, un mot d’excuse, un engagement … La sanction peut aussi s’accompagner, voire se réduire à un acte de réparation. Le besoin de réparer est aussi le désir de se réparer. C'est en recréant l'objet que le fautif se recrée lui-même. La réparation est, en ce sens, un mouvement de construction du moi. Réparer, c’est aussi être en position de reconnaissance par rapport à autrui car si l'on répare quelque chose, on répare aussi et d’abord à quelqu'un. La réparation est orientée vers "un autrui". Avoir recours à une procédure réparatoire, c'est au-delà du face-à-face punisseur-puni introduire une tierce personne qui est la victime. C'est à elle que s'adresse la réparation. En ce sens, on peut dire qu’une sanction éducative est une sanction reconstructive car elle tend à retisser les fils et à renouer le lien social, un instant blessé.


Références bibliographiques
PRAIRAT, E. (2011) La sanction en éducation, Paris, Presses Universitaires de France, coll. Que-sais-je ?, 5ème éd.
PRAIRAT, E. (2002) Sanction et socialisation. Idées, résultats et problèmes, Paris, Presses Universitaires de France 2ème éd.
| |
Carte adhérents
Taux d'encadrement dans les MECS
Etudes sur les taux d'encadrement


L'organisation du travail éducatif et les taux d'encadrement dans les MECS
Enquête par questionnaire auprès de 225 MECS de France Métropole (décembre 2022)

Impact budgétaire des mesures prévues dans le projet de décret sur les taux d'encadrement dans les MECS et CDE
L'étude par consultation en ligne réalisée pour ANMECS / GEPSO / CNAPE (octobre 2023)


Personnels éducatifs face aux besoins des enfants confiés aux MECS
Compilation des données de 3 enquêtes réalisées pour l'ANMECS (novembre 2023)

Etude ASDO Accompagnement des jeunes de 16-21 ans par l'ASE
Accompagnement des jeunes de 16 à 21 ans
Consulter l'étude de l'ASE (mai 2020)

Enquête ASKORIA 2020
Enjeux et perspectives
Consulter l'enquête Askoria (2020)

Enquête Askoria
Association Nationale des Maisons d'Enfants à Caractère Social (ANMECS)
38 bis - Rue André Vitu - 88000 Epinal- Infos légales